dimanche 25 août 2013

Le mythe solaire



La donnée principale du mythe solaire est la disparition du soleil pendant les mois d’hiver et son retour au printemps. Elle se reflète d’une façon ou d’une autre dans la plupart des mythes de dieux solaires. Dans l’histoire d’Osiris et Isis, telle qu’elle est racontée par Plutarque[1] par exemple.

« Dès qu'Osiris fut monté sur le trône, il retira les Égyptiens de la vie sauvage et misérable qu'ils avaient menée jusqu'alors; il leur enseigna l'agriculture, leur donna des lois et leur apprit à honorer les dieux. Ensuite, parcourant la terre, il adoucit les mœurs des hommes, eut rarement besoin de la force des armes, et les attira presque tous par la persuasion, par les charmes de la parole et de la musique ; aussi les Grecs ont-ils cru qu'il était le même que Bacchus.

Typhon, qui, pendant son absence, n'avait osé rien innover, parce que Isis administrait le royaume avec autant de vigilance que de fermeté, tendit des embûches à Osiris lors de son retour, et fit entrer dans la conjuration soixante-douze complices. Il fut secondé aussi par la reine d'Ethiopie, qui se nommait Aso. Il avait pris furtivement la mesure de la taille d'Osiris, et avait fait faire un coffre de la même grandeur, très richement orné, qu'on apporta dans la salle du festin qu'il donnait à ce prince. Tous les convives l'ayant regardé avec admiration, Typhon leur dit, comme en plaisantant, qu'il en ferait présent à celui d'entre eux qui, s'y étant couché, se trouverait justement de la même grandeur. Chacun d'eux l'ayant essayé à son tour sans qu'il convînt à personne, Osiris y entra aussi et s'y étendit. A l'instant les conjurés accourent, ferment le coffre, et pendant que les uns en clouent le couvercle, les autres font couler sur les bords du plomb fondu pour le boucher exactement ; après quoi ils le portent dans le Nil, d'où il fut poussé dans la mer par l'embouchure Tanitique, dont les Égyptiens, pour cette raison, ne prononcent encore aujourd'hui le nom qu'avec horreur. Cette conjuration eut lieu le 17 du mois athyr[2], où le soleil parcourt le signe du Scorpion, la vingt-huitième année du règne d'Osiris ; d'autres disent de son âge et non pas de son règne.
»

« Typhon, poursuivant un porc pendant la pleine lune, trouva le coffre de bois où était enfermé le corps d'Osiris, qu'il coupa en plusieurs morceaux, et dispersa de côté et d'autre. »

Dupuis termine :

« La déesse [Isis] l’ayant vu, vint rassembler ces lambeaux épars ; elle les enterra chacun dans le lieu où elle les trouva. De toutes les parties du corps d’Osiris, les parties de la génération furent les seules qu’Isis ne put retrouver. Elle y substitua le Phallus, qui en fut l’image, et qui fut consacré dans les mystères.

Peu de temps après, Osiris revint des enfers au secours d’Orus son fils, et le mit en état de le venger. Il lui donna pour monture, les uns disent le cheval, les autres le loup. Typhon fut vaincu : Isis le laissa échapper. Orus en fut indigné, et ôta à sa mère son diadème ; mais Mercure lui donna en place un casque à forme de tête de taureau
. »

Osiris est un dieu solaire, mais Dupuis observe qu’Isis n’est pas la lune. Il donne les correspondances entre les tableaux célestes et les éléments du mythe. Le mythe solaire raconte la disparition ou la mort du dieu solaire. Dans un coffre, ce thème revient assez souvent, ou dans les enfers. On note en passant que les tombeaux royaux doivent sans doute figurer des « coffres » d’où les héros solaires que sont les rois resurgiront le moment venu tel le soleil…

Dans le mythe d’Adonis, raconté par le Pseudo-Apollodore (iie siècle av. J.-C.), Aphrodite (Vénus) voulait cacher son amant et l’envoya dans un coffre en bois à Perséphone (fille de Démeter et épouse de Hadès), afin que celle-ci le garde en sécurité. Mais Perséphone en tombe amoureuse elle-même et demande à le partager avec Aphrodite. Adonis est un dieu solaire. Il est l’équivalent grec du dieu sumérien Dumuzi, également un dieu solaire, qui est l’époux d’Ishtar/Inanna, qui n’est autre que la Vénus mésopotamienne. Ishtar descendra en enfer pour aller y chercher son époux solaire.[3]

Il en va de même pour le mythe d’Orphée. On y trouve des mèmes mythologiques connus. Les dieux et les héros mythologiques attirent d’autres mèmes qui peuvent se greffer sur eux au cours des siècles. Oprhée est un héro solaire, qui fait partie de l’équipage des argonautes, en quête de la toison d’or. C’est dans l’épisode d’Orphée et Eurydice (une dryade ≈ yaksiṇī) que l’on trouve des éléments de la disparition et le retour du soleil. Un autre élément solaire significatif est qu’Orphée se fait déchiqueter par les Ménades. « Sa tête, jetée dans le fleuve Euros, vint se déposer sur les rivages de l'île de Lesbos, terre de la Poésie. Les Muses, éplorées, recueillirent les membres pour les enterrer au pied du mont Olympe, à Leibèthres en Thessalie » (Wikipedia).

La même chose était arrivée à Dionysos/Bacchus, autre personnage solaire, déchiqueté lui par les titans. « Dionysos se transforme en taureau pour s’échapper, mais les Titans le capturent, le tuent, le dépècent et le dévorent. Seul le cœur de Dionysos est sauvé par Athéna qui le confie à Zeus. Celui-ci l’avale et fait ressusciter le dieu. Après, Zeus punit les Titans en les foudroyant et de leurs cendres, il crée l’actuelle race humaine. »[4] Cette création en deux temps sera d’ailleurs un thème important du gnosticisme.

Le soleil « déchiqueté », qui répand partout sa substance en parcourant l’espace est aussi raconté dans le Bṛhadāraṇyaka upaniṣad. Ou dans la légende de Bhairava.

« L'origine de Bhairava remonte à l'histoire de Dakshayani ou Satī, la femme de Śiva. Satī, fille du roi des dieux Dakśa, avait décidé d'épouser Śiva contre l'avis de son père, qui voyait en lui un ascète, qu'il associait aux animaux et aux démons. Un jour, Dakśa organisa un sacrifice rituel Yagna, auquel il invita tous les dieux, sauf Satī et Śiva. Satī vint seule au Yagna, où Dakśa parla ouvertement de Śiva avec mépris. Satī, ne supportant pas d'entendre son mari insulté, se jeta dans le feu sacrificiel. Quand Śiva l'apprit, il sema la destruction dans le Yagna, tua Dakśa et le décapita. Puis, il prit le corps de Satī sur ses épaules et fit le tour du monde en courant éperdument pendant des jours. Comme cela risquait de détruire le monde, Viṣṇu, le troisième dieu de la trinité, découpa avec son cakra (disque divin) le corps de Satī en morceaux qui tombèrent épars. Les lieux où ces morceaux sont tombés s'appellent les "Shakti Peetha". Śiva prit la forme de l'effrayant Bhairava (Mahākāla) pour monter la garde autour de ces lieux. » Source Wikipedia.

Les haut-lieux, les lieux de pouvoir, apparaissaient partout où se trouveraient des tombeaux de tel ou tel héro solaire, ou de certaines parties de son corps déchiqueté le cas échéant. Il n’en va probablement pas autrement du culte des reliques sans doute dérivé de ce coutume.

« On montrait les tombeaux des dieux, comme s'ils eussent existé réellement ; l'on célébrait des fêtes, dont le but semblait être de renouveller tous les ans le deuil qu'avait occasionné leur perte. » (Dupuis, Abrégé, ch. VI)


***

[1] OEUVRES MORALES. TOME V : TRAITÉ D'ISIS ET D'OSIRIS

[2] Le mois d'athyr, qui était le troisième do l'année égyptienne, répondait à la fin d'octobre et à la plus grande partie de novembre; il portait le nom d'Athyr, qui est la même déesse que la Vénus des Grecs, sortie du sein des eaux.

[3] Légende d'Ishtar

[4] René Oster, Dionysos ou la recherche de l’unité intérieure 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire