dimanche 9 mars 2014

Enfermer les dieux dans leurs représentations



« Dans cette superbe cité à la splendeur inégalée où des chars aux étendards flottants circulent dans les rues et dont la protection est assurée par de hautes murailles, c’est afin de protéger le peuple des dangers intérieurs que des artisans habiles, après de savants calculs, ont façonné des images des dieux faites de bois, de pierre ou d’argile ou peintes sur les murs afin d’y capturer les puissances célestes. Ces images sont alors placées dans les temples, au pied de vieux arbres, près des escaliers sur lesquels les gens viennent se baigner dans les rivières ou les étangs, dans les bâtiments officiels ou à l’ombre des arbres sacrés au milieu de la ville. Les divinités ainsi représentées sont présentes dans les images et dans les lieux qui leur ont été assignés. C’est pourquoi les gens perspicaces savent qu’à travers les images on peut communiquer avec les divinités qu’elles représentent.

129-142 « Brave fille, souple comme une liane ! Je veux te raconter ma propre histoire. Je suis un de ces esprits immortels de haut rang qui forment les cohortes célestes. Mon nom est Tuvatikan. Lorsque Maya, l’architecte céleste, sculpta sur cet ancien pilier cette statue à mon image, je me suis trouvé contraint de l’habiter. Depuis j’y reste emprisonné sans pouvoir m’échapper. »

« Beaucoup d’habitants des mondes célestes, plus ignorants encore que les hommes, se laissent ainsi piéger. J’avais un compagnon très cher appelé Chitraséna. Je ne sais qui a informé les peintres de la ville de notre amitié. Ils ont dessiné et peint nos images dans le moindre détail dans tous les lieux où je suis allé avec lui pour nous divertir, comme s’ils nous avaient suivis partout, épiant nos jeux. Ils ont ensuite consacré ces images avec des fleurs, de l’encens, des paroles sacrées, et invoqué nos noms au point que leur langue en était fatiguée. C’est ainsi qu’il a été capturé comme moi qui suis enfermé dans cette statue que je ne peux quitter. »

Manimékhalaï ou le scandale de la vertu, du prince-marchand Shattam, Traduit du tamoul ancien et préfacé par Alain Daniélou, avec le concours de T.V. Gopala Iyer, Éditions Flammarion, 1987, (ISBN 2-08-066067-5)

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