samedi 5 décembre 2015

Le passé de Dieu



Animation de Nina Paley, Exodus 32: 27


Extrait de La violence monothéiste de Jean Soler, pages 242-243
3. Un peuple à part (exterminer les Cananéens)

Pour que le peuple hébreu ne soit pas séduit par d’autres dieux que Iahvé, il doit rester « séparé » des autres peuples, parce que ces derniers ont des dieux différents. Dans ce but, il ne doit pas seulement s’abstenir de fréquenter les « nations étrangères » (les goyim), de partager leurs repas, de leur donner des filles ou d’en épouser, il faut qu’il extermine tous les étrangers qui occupent la Terre promise. Moïse l’affirme avec force :
« Quand Iahvé, ton dieu, les aura livrées devant toi [les nations de Canaan], et que tu les auras battues, tu les voueras à l’anathème [...]. Car tu es un peuple saint pour Iahvé, ton dieu, c’est toi que Iahvé, ton dieu, a choisi pour devenir son peuple de J prédilection d’entre tous les peuples qui sont à la surface de la terre. »[1]
« Anathème » traduit l’hébreu hérem, qui désigne, très précisément, le devoir de massacrer tous les habitants et parfois tous les êtres vivants d’une cité conquise. C’est ce que fera Josué après la prise de Jéricho : « Ils vouèrent à l’anathème tout ce qui était dans la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux, et jusqu’aux bœufs, aux moutons et aux ânes, les passant au fil de l’épée. »[2] Trente villes subissent le même sort : « Ainsi Josué battit tout le pays [...]. Il ne laissa pas un seul survivant et voua tout être vivant à l’anathème, comme Iahvé, le dieu d’Israël, l’avait ordonné. »[3]

Voilà le thème biblique le plus occulté, le plus embarrassant pour les fidèles du Dieu unique, qu’ils soient juifs ou chrétiens - car les chrétiens soutiennent que 1’ « Ancien Testament » préfigure, annonce et justifie le « Nouveau ». Aux yeux de certains Juifs, le seul fait de se référer à ces textes passe pour un acte antisémite. Pourquoi devraient-ils se sentir agressés ? Est-ce que les Français prétendus « de souche » vont accuser d’antigallicisme quelqu’un qui rappellerait que leurs ancêtres les Gaulois pratiquaient des sacrifices humains, comme en témoigne, entre autres, Jules César? Des exégètes soutiennent que les Hébreux n’ont jamais commis ces massacres. Les récits en question seraient allégoriques. Mais pourquoi les rédacteurs les présentent-ils comme des événements historiques? D’autres commentateurs assurent que, dans ces temps lointains, les guerres étaient sans pitié. Croyez-vous, disent ils, que les Grecs ont été cléments quand ils ont pris Troie, après un siège de dix ans ? Et pendant la guerre du Péloponnèse, n’y a-t-il pas eu des massacres dont Thucydide fait état ? Et les Romains, quand ils se sont emparés de Carthage, la cité « qu’il fallait détruire », se sont-ils montrés bienveillants ? Et quand ils ont pris Jérusalem, abattu ses murs et incendié son temple, ont-ils fait dans la dentelle ? Pour en revenir au monde sémitique de l’Antiquité, est-ce que les Assyriens n’étaient pas cruels, comme leurs annales le prouvent ? Et les Babyloniens qui ont conquis Jérusalem, étaient-ils des enfants de chœur ? Certes, mais les tueries commises, selon la Bible, par les Hébreux ont deux traits qui ne se trouvent ensemble nulle part ailleurs. En premier lieu, elles ont été ordonnées par un dieu. Les rédacteurs ne les décrivent pas comme des actes regrettables qui ne pouvaient que révolter un dieu qui avait gravé sur la pierre « TU NE TUERAS PAS ». Ils s’enorgueillissent au contraire que leurs ancêtres aient obéi sans fléchir au commandement divin. En second lieu, ces massacres ont un caractère totalitaire (comment s’exprimer autrement ?) : c’est tous les êtres humains et même tous les êtres vivants qui doivent être tués.

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[1] Deuteronome 7, 2-6

[2] Josu » 6, 21

[3] Jos 10, 40

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