vendredi 16 août 2013

Une âme pour animer le monde


Le Monde paraissant animé par un principe de vie qui circulait dans toutes ses parties, et qui le tenait dans une activité éternelle, on crut donc que l’Univers vivait comme l’homme et comme les autres animaux, ou plutôt que ceux-ci ne vivaient que parce que l’Univers, essentiellement animé, leur communiquait, pour quelques instants, une infiniment petite portion de sa vie immortelle, qu’il versait dans la matière inerte et grossière des corps sublunaires. Venait-il à la retirer à lui, l’homme et l’animal mouraient, et l’Univers seul, toujours vivant, circulait autour des débris de leurs corps par son mouvement perpétuel, et organisait de nouveaux êtres. Le feu actif ou la substance subtile qui le vivifiait lui-même, en s’incorporant à sa masse immense, en était l’âme universelle. C’est cette doctrine qui est renfermée dans le système des Chinois, sur l’ Yang et sur l’ Yin dont l’un est la matière céleste, mobile et lumineuse, et l’autre la matière terrestre, inerte et ténébreuse dont tous les corps se composent.

C’est le dogme de Pythagore, contenu dans ces beaux vers du sixième livre de l’Enéide, où Anchise révèle à son fils l’origine des ames, et le sort qui les attend après la mort.

« Il faut que vous sachiez, lui dit-il, ô mon fils ! que le Ciel et la Terre, la Mer, le globe brillant de la Lune, et tous les Astres, sont mus par un principe de vie interne qui perpétue leur existence ; qu’il est une grande ame intelligente, répandue dans toutes les parties du vaste corps de l’Univers, qui, se mêlant à tout, l’agite d’un mouvement éternel. C’est cette ame qui est la source de la vie de l’homme, de celle des troupeaux, de celle des « oiseaux et de tous les monstres qui respirent au sein des mers. La force vive qui les anime émane de ce feu éternel qui brille dans les cieux, et qui, captif dans la matière grossière des corps, ne s’y développe qu’autant que le permettent les diverses organisations mortelles qui émoussent sa force et son activité. A la mort de chaque animal, ces germes de vie particulière, ces portions du souffle universel, retournent à leur principe, et à leur source de vie qui circule dans la sphère étoilée. »

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Non-seulement [l'Univers] fut réputé vivant, mais encore souverainement intelligent, et peuplé d’une foule d’intelligences partielles répandues par toute la Nature, et dont la source était dans son intelligence suprême et immortelle.

Cléanthe, qui regardait l’Univers comme Dieu ou comme la cause universelle et improduite de tous les effets, donnait une âme et une intelligence au Monde, et c’était à cette âme intelligente qu’appartenait proprement la Divinité. Dieu, suivant lui, établissait son principal siège dans la substance éthérée, dans cet élément subtil et lumineux qui circule avec abondance autour du firmament, et qui de là se répand dans tous les Astres, qui par cela même partage la nature divine.

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Il résulte de ces principes philosophiques que la matière des corps particuliers se généralise en une matière universelle dont se compose le corps du Monde ; que les âmes et les intelligences particulières se généralisent en une âme et en une intelligence universelle, qui meuvent et régissent la masse immense de matière dont est formé le corps du Monde. Ainsi l’Univers est un vaste corps mu par une ame, gouverné et conduit par une intelligence, qui ont la même étendue et qui agissent dans toutes ses parties, c’est-à-dire, dans tout ce qui existe, puisqu’il n’existe rien hors l’Univers, qui est l’assemblage de toutes choses. Réciproquement, de même que la matière universelle se partage en une foule innombrable de corps particuliers sous des formes variées, de même la vie ou l’âme universelle, ainsi que l’intelligence se divisant dans les corps, y prennent un caractère de vie et d’intelligence particulière dans la multitude infinie de vases divers qui les reçoivent : telle la masse immense des eaux, connue sous le nom d’Océan, fournit par l’évaporation les diverses espèces d’eaux qui se distribuent dans les lacs, dans les fontaines, dans les rivières, dans les plantes, dans tous les végétaux et les animaux, où circulent les fluides sous des formes et avec des qualités particulières, pour rentrer ensuite dans le bassin des mers, où elles se confondent en une seule masse de qualité homogène. Voilà l’idée que les Anciens eurent de l’âme ou de la vie et de l’intelligence universelle, source de la vie et des intelligences distribuées dans tous les êtres particuliers, à qui elles se communiquent par des milliers de canaux. C’est de cette source féconde que sont sorties les intelligences innombrables placées dans le Ciel, dans le Soleil, dans la Lune, dans tous les Astres, dans les Éléments, dans la Terre, dans les Eaux, et généralement partout où la cause universelle semble avoir fixé le siège de quelque action particulière et quelqu’un des agents du grand travail de la Nature. Ainsi se composa la cour des dieux qui habitent l’Olympe, celles des Divinités de l’Air, de la Mer et de la Terre ; ainsi s’organisa le système général de l’administration du Monde, dont le soin fut confié à des intelligences de différents ordres et de dénominations différentes, soit dieux, soit génies, soit anges, soit esprits célestes, héros, ireds, azes, etc.

Rien ne s’exécuta plus dans le Monde que par des moyens physiques, par la seule force de la matière et par les lois du mouvement : tout dépendit de la volonté et des ordres d’agents intelligents. Le conseil des dieux régla le destin des hommes, et décida du sort de la Nature entière, soumise à leurs lois et dirigée par leur sagesse. C’est sous cette forme que se présente la théologie chez tous les peuples qui ont eu un culte régulier et des théogonies raisonnées. Le sauvage, encore aujourd’hui, place la vie partout où il voit du mouvement, et intelligence dans toutes les causes dont il ignore le mécanisme, c’est-à-dire, dans toute la Nature : de là l’opinion des Astres animés et conduits par des intelligences ; opinion répandue chez les Chaldéens, chez les Perses, chez les Grecs et chez les Juifs et les Chrétiens ; car ces derniers ont placé des anges dans chaque astre, chargés de conduire les corps célestes et de régler le mouvement des sphères.

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Au nombre sept des sphères planétaires on a ajouté la sphère des fixes et le cercle de la Terre ; ce qui a produit le système des neuf sphères. Les Grecs y attachèrent neuf intelligences, sous le nom de Muses, qui, par leur chants, formaient l'harmonie universelle du Monde. Les Chaldéens et les Juifs y plaçaient d’autres intelligences, sous le nom de Chérubins et de Séraphins, etc., au nombre de neuf chœurs, qui réjouissaient l’Éternel par leurs concerts. Les Hébreux et les Chrétiens admettent quatre anges chargés de garder les quatre coins du Monde. L’astrologie avait accordé cette surveillance à quatre planètes ; les Perses, à quatre grandes étoiles placées aux quatre points cardinaux du Ciel.

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L’administration de l’Univers fut partagée entre cette foule d’intelligences, soit anges, soit izeds, soit dieux, héros, génies, gines, etc. ; chacune d’elles était chargée d’un certain département ou d’une fonction particulière : le froid, le chaud, la pluie, la sécheresse, les productions des fruits de la terre, la multiplication des troupeaux, les arts, les opérations agricoles, etc., tout fut sous l’inspection d’un ange.


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C’est par une suite du dogme fondamental qui place Dieu dans l’ame universelle du Monde, dit Dow, âme répandue dans toutes les parties de la Nature, que les Indiens révèrent les éléments et toutes les grande parties du corps de l’Univers, comme contenant une portion de la divinité. C’est là ce qui a donné naissance, dans le peuple, au culte des Divinités subalternes ; car les Indiens, dans leurs vedams, font descendre la Divinité ou l’ame universelle dans toutes les parties de la matière. Ainsi ils admettent, outre leur trinité ou triple puissance, une foule de Divinités intermédiaires, des anges, des génies, des patriarches, etc. Ils honorent Voyoo, dieu du vent : c’est l’Éole des Grecs ; Agny, dieu du feu ; Varoog, dieu de l’Océan ; Sasanko, dieu de la Lune ; Prajapatée, dieu des nations : Cubéra préside aux richesses, etc.

Dans le système religieux des Indiens, le Soleil, la Lune et les Astres sont autant de dewatas ou de génies. Le Monde a sept étages, dont chacun est entouré de sa mer et a son génie : la perfection de chaque génie est graduée comme celle des étages. C’est le système des anciens Chaldéens « ur la grande mer ou firmament, et sur les divers cieux habités par des anges de différente nature et composant une hiérarchie graduée.

Le dieu Indra, qui chez les Indiens préside à l'air et au vent, préside aussi au Ciel inférieur, et aux Divinités subalternes, dont le nombre se monte à trois cent trente-deux millions : ces dieux subalternes se sous-divisent en différentes classes. Le Ciel supérieur a aussi ses Divinités ; Adytya conduil le Soleil ; Nishagara, la Lune, etc.

Les Chingualais donnent à la Divinité des lieutenans : toute l’île de Ceylan est remplie d’idoles tutélaires des villes et des provinces. Les prières de ces insulaires ne s’adressent pas directement à l’Être supréme, mais à ses lieutenans et aux dieux inférieurs, dépositaires d’une partie de sa puissance.

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Il reste donc démontré d’après l’énumération que nous venons de faire des opinions religieuses des différents peuples du Monde, que l’Univers et ses parties ont été adorés, non-seulement comme causes, mais encore comme causes vivantes, animées et intelligentes, et que ce dogme n’est pas celui d’un ou de deux peuples, mais que c’est un dogme universellement répandu par toute la Terre. Nous avons également vu quelle a été la source de cette opinion : elle est née du dogme d’une ame unique et universelle, ou d’une ame du Monde, souverainement intelligente, disséminée sur tous les points de la matière, où la Nature exerce comme cause quelqu’action importante, ou produit quelqu’effet régulier, soit éternel, soit constamment reproduit. La grande cause unique ou l’Univers-Dieu se décomposa donc en une foule de causes partielles, qui furent subordonnées à son unité, et qui ont été considérées comme autant de causes vives et intelligentes de la nature de la cause suprême, dont elles sont, ou des parties, ou des émanations. L’Univers fut donc un dieu unique, composé de l’assemblage d’une foule de dieux qui concouraient comme causes partielles à l’action totale qu’il exerce lui-même, en lui-même et sur lui-même. Ainsi se forma cette grande administration, une dans sa sagesse et sa force primitive, mais multipliée à l’infini dans ses agents secondaires, appelés dieux, anges, génies, etc., et avec lesquels on a cru pouvoir traiter comme l’on traitait avec les ministres et les agents des administrations humaines. 

C’est ici que commence le culte ; car nous n’adressons des vœux et des prières qu’à des êtres capables de nous entendre et de nous exaucer.

Ch. 3 De l’Univers animé et intelligent.

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